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Victoire de Trump : le discrédit du système médiatique

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© Gage Skidmore CC

Eléonore de Vulpillières - publié le 17/11/16

"Les rédactions n'ont pas décrit le monde tel qu'il était mais tel qu'elles le rêvaient."

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Le système médiatique se conçoit théoriquement comme un contre-pouvoir, capable de prendre de la distance sur les événements pour les analyser avec honnêteté. Aux États-Unis, 194 des 200 plus grands titres de presse (radio, télévision, presse écrite) soutenaient la candidate démocrate, Hillary Clinton. Ce qui est choquant n’est pas tellement que des médias aient pris position pour tel ou tel candidat, mais que cela soit advenu de façon si disproportionnée. Si le rôle d’éditorialiste est utile, les lecteurs-auditeurs-téléspectateurs attendent d’abord des médias qu’ils leur apportent une information fidèle et honnête du réel.

On a donc qualifié de « populiste » quelqu’un qui prônait le changement dans un pays où le taux de mortalité augmente, et de « compétent » quelqu’un qui a eu des responsabilités alors que les inégalités et la pauvreté se sont accrues. La « compétente » était soutenue financièrement par de gros donateurs, des banques et des fonds d’investissement, intellectuellement par toute la presse, nationale et étrangère, et une grande majorité d’intellectuels et de personnalités du show-business. Le « populiste » était cet homme outrancier, vulgaire, misogyne, sexiste, raciste, fou – à qui il serait démentiel de confier les codes nucléaires.

Mais la « compétente » a perdu, provoquant la panique et l’incompréhension dans les salles de rédaction et sur les plateaux de télévision.

Ce qui est proprement inacceptable, c’est la manière dont la presse s’est auto-aveuglée et a aveuglé les gens qu’elle était supposée informer. Elle n’a rien compris à ce qui se passait aux États-Unis. Elle s’est appuyée sur des sondages faux sans jamais les remettre en question. Elle n’a vu que ce qu’elle a bien voulu voir.

Un monde déformé par les médias 

Mais comment est-il possible de ne rien comprendre à ce point à ce qui se passe dans son propre pays (en ce qui concerne la presse américaine) ? Comment se fait-il que la presse française n’ait pas su prendre du recul sur ce qui se disait outre-Atlantique ? Rares ont été les titres de presse à proposer une analyse clairvoyante ou du moins prudente de la campagne et ses issues possibles.

Déclarer au lendemain de l’élection en disant qu’on n’avait rien vu venir et que le résultat du scrutin était imprévisible est un peu facile. Se dédouaner du revers de la main de la couverture médiatique dramatique qui a eu lieu durant dix-huit mois n’est pas recevable. La responsabilité de la presse est engagée, sa crédibilité, encore davantage entamée.

Les rédactions n’ont pas décrit le monde tel qu’il était mais tel qu’elles le rêvaient. Un monde déformé, fantasmé, ou qu’elles estimaient suffisamment sous contrôle pour pouvoir l’influencer. Seulement le contrôle leur a échappé. Avec le Brexit, puis l’élection de Trump, la machine s’est cassée. Et pourtant, ils continuent comme avant… Il est hallucinant de constater que les mêmes faussaires qui se sont trompé sur à peu près tout continuent d’être invités dans les médias. Pourquoi, quelques heures après le résultat du scrutin, invite-t-on à la télévision Bernard-Henri Lévy qui s’est humilié en prédisant avec emphase la défaite de Trump en août 2016 ? Quel téléspectateur est intéressé par son point de vue ? Cet homme ne provoque désormais plus qu’hilarité, mépris et aversion sur son passage. Il n’est pas la seule figure dont l’omniprésence médiatique est rationnellement et déontologiquement incompréhensible, mais certainement l’une des plus connues. Sa fortune personnelle et son réseau sont les seules explications à sa longévité médiatique. Elles ne devraient pourtant pas être des motifs valables.

Si la presse est en crise, et que les gens achètent peu les journaux, ou qu’un tiers des Français ne regarde jamais d’émission politique, ce n’est pas simplement à cause de la multiplication des canaux d’information et de la diffraction de l’information. Ce dernier phénomène est un facteur de la désertion de la presse traditionnelle ; il n’est pas le plus important.

Le « grand dégoût collecteur »

Les médias se sont coupés du peuple. Ils ont pris leurs désirs pour des réalités et largement surestimé leur fonction de prescripteur d’opinion. Dans un régime normal, la presse devrait être à l’unisson de ce qui se passe dans un pays et comprendre les principaux mouvements qui traversent une société. Ici, elle s’est concentrée sur les dérapages, les déclarations à l’emporte-pièce du candidat Trump ou encore les documents exhumés à un mois du scrutin, telle que la fabuleuse histoire de « chatte », vidéo de vestiaire datant de 2005. Le simple fait qu’on en soit réduit à établir cette vidéo pendant une semaine comme scandale mondial pour affaiblir le candidat aurait dû alerter sur l’hypothèse que Trump était probablement bien moins bas dans l’opinion publique que ce qui était prédit dans les sondages. On a préféré se concentrer sur l’écume bouffonne du personnage Trump plutôt que sur ce qu’il incarnait, s’intéresser davantage à ses outrances sexistes qu’à ses vues en matière de politique intérieure et étrangère – aux grandes lignes bien moins caricaturales que la manière dont il était représenté dans l’imaginaire médiatique.

Le candidat républicain a su habilement jouer avec l’hostilité médiatique à son encontre. La presse a fait de Trump le repoussoir, le « grand dégoût collecteur » de cette campagne, alors que c’était elle-même qui le devenait.

Si les médias poursuivent dans cet auto-aveuglement, ils disparaîtront. Cela a commencé par l’érosion de leur crédibilité intellectuelle, cela finira par leur compression économique à la portion congrue – un phénomène déjà en cours. La France (comme l’Amérique) ne pourra jamais se faire totalement « hanouniser » ou « barthèsiser ». Les Américains ont démontré le 9 novembre qu’ils se fichaient des prescriptions médiatiques et qu’ils ne voulaient pas mourir. La fossé entre le peuple et la médiacratie se comblera peut-être le jour où le système médiatique choisira d’être l’œil plutôt que l’index.

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