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« Chacun sa vérité » ou le triomphe du n’importe quoi

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Jules Germain - Pro Magazine - publié le 04/08/16

La pensée postmoderne imprègne la politique contemporaine, la théologie et les débats publiques, comme l’explique le philosophe allemand des religions, Daniel von Wachter.

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Il n’y a pas de vérité, tout le monde a raison : celui qui énonce une vérité apparaît comme intolérant. C’est pour cette raison que Daniel von Wachter, philosophe allemand des religions, se fait du souci pour la liberté d’expression et pour l’avenir du christianisme. Nos confrères du magazine allemand Pro sont allés l’interroger  :

Pro : Qu’est-ce qui caractérise le postmodernisme ?
Daniel von Wachter :
Le postmodernisme n’est pas une analyse de la pensée de la majorité des hommes d’aujourd’hui mais repose sur un certain nombre d’affirmations d’auteurs précis, comme par exemple : il n’y a pas de connaissance objective, il n’y a pas de réalité indépendante de nous, la raison et la connaissance ne sont que des instruments de domination. Ce sont des formules d’une rhétorique que l’on retrouve chez des auteurs comme Lyotard, Derrida, Rorty, Foucault, qui se sont tous, fait remarquable, dits « de gauche ».

Que disent les penseurs postmodernes au sujet de la foi chrétienne ?
Les penseurs postmodernes attaquent le simple fait que la christianisme propose un enseignement, un message qui soit vrai. Ils n’attaquent pas cet enseignement d’une manière qui serait convaincante et aurait du sens, avec des arguments contre, expliquant pourquoi cela est faux. Ils affirment simplement qu’il n’y a pas de vérité ni de réalité.

S’il n’y a pas de vérité, alors toutes les opinions sont également justes ?
Cela n’a pas de sens de dire : « Si quelqu’un comprend cela autrement, il a tout aussi raison que moi ». C’est une contradiction, c’est irrationnel de dire cela. On considère souvent le fait de passer outre une telle contradiction comme une preuve d’humanisme ou de bienveillance. Mais c’est tout simplement une erreur en terme de logique. C’est impossible de penser concrètement que quelque chose et son contraire sont vrais en même temps. Nous désirons en effet savoir parmi plusieurs propositions laquelle est vraie et nous décider en conséquence. Il ne faut donc pas jouer l’amour contre la vérité. Il ne faut donc pas dire : « Pour exercer la charité et l’amour, je ne dois contredire personne ». Il est même encore plus bienveillant de convaincre l’autre de la vérité quand on la possède, ou du moins qu’on le pense, puisque l’autre a lui aussi le désir de la vérité. Il serait donc erroné de dire : « Je pense X mais je ne me prononce pas quand à la véracité de non-X ».

Peut-on encore arriver à parler de la « vérité » du message chrétien avec des individus postmodernes ?
La plupart des gens considèrent qu’il existe plusieurs vérités. Si quelqu’un est effectivement influencé par des pensées postmodernes, il faut, pour lui permettre d’atteindre l’Évangile, l’amener à se poser des questions concernant la vérité. Il serait absurde de penser qu’aujourd’hui il faut moins prêcher de vérités sous prétexte que la pensée postmoderne est influente. Il faut poser des questions comme : y a t-il un Dieu ? Jésus peut-Il être le Fils de Dieu ? Qu’est-ce que cela signifie ? Si quelqu’un n’a pas la possibilité ne serait-ce que de se demander si tout cela peut être vrai, alors il n’y a aucune chance qu’il devienne chrétien.

Les chrétiens avec leur exigence de vérité n’entrent ils pas en conflit avec la liberté religieuse ?
Les chrétiens croient en l’enseignement du Christ et ils ont des arguments pour cela. Ils partagent ces arguments avec les non-croyants et peuvent essayer de les convaincre. Ce n’est pas un problème de tolérance. La tolérance, ce n’est pas dire : « Tu penses l’exact inverse mais tu as tout autant raison ». La tolérance, c’est dire : « Je pense ceci, tu penses cela, mais je ne t’empêche pas de le penser, je te laisse exercer librement ta religion, même si je la pense fausse ». Les chrétiens doivent défendre la liberté religieuse. C’est un trait qui ressort clairement du Nouveau Testament. Il faut respecter et aimer toutes les personnes, indépendamment de leurs opinions : mais ce n’est pas une raison pour dire qu’elles se valent toutes ni qu’elles sont toutes vraies.

Qu’est-ce que cela signifie pour la liberté religieuse si les chrétiens, les musulmans et les personnes d’autres religions pour des raisons de tolérance se refusent à parler en terme de vérité ?
L’accusation d’intolérance est un risque pour la liberté religieuse et la liberté de conscience. Car la liberté religieuse signifie en principe que chaque opinion et sa contradiction peuvent être énoncées. L’un assure que l’islam dit vrai, et l’autre a le droit d’affirmer le contraire. J’ai le droit de croire que le christianisme dit vrai comme l’inverse. Le postmodernisme met tout à plat et équivaut la liberté religieuse avec ceci : si je dis à un musulman que je ne suis pas d’accord avec sa foi, alors d’après ces postmodernes c’est un acte de violence que je commets envers lui et qui doit être interdit (cf. d’ailleurs le cas justement d’un procès dans lequel une conférencière a été reconnue coupable d’avoir publiquement « dénigré une personne qui est un objet de vénération », à savoir Mahomet, le prophète de l’islam, d’une manière « susceptible de susciter une indignation justifiée », en violation de l’article 188 du Code pénal autrichien).

Dans cette direction vont également des projets de loi à Bruxelles qui visent à empêcher les critiques des autres religions. C’est parce que l’on ne fait plus la différence entre l’expression de nos opinions et de nos différends et des actes véritablement violents que l’on ne comprend plus ce qu’est véritablement la liberté de conscience et la liberté religieuse. Bruxelles va clairement dans cette direction : c’est politiquement dramatique et cela va très certainement nous conduire vers de grandes difficultés.

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Évangélisationrelativismeverite
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