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Laetitia Strauch-Bonart : « Les sociétés les plus prospères sont celles qui ont produit les plus grandes civilisations » (2/2)

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Thomas Renaud - publié le 07/07/16

L'essayiste française nous parle d'une philosophie qui n'a pas bonne presse. Deuxième partie.

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À la sortie de son premier livre Vous avez dit conservateur ?, Aleteia a rencontré Laetitia Strauch-Bonart pour parler du conservatisme, une philosophie souvent mal comprise dans notre société moderne.

Aleteia : Vous cherchez à distinguer clairement ce que vous nommez les réactionnaires de ceux que vous nommez conservateurs. Pourquoi ne pas assumer la porosité réelle entre ces deux catégories ? N’est-ce pas donner raison à la « moraline » de la gauche ?
Laetitia Strauch-Bonart : J’assume cette porosité historique en expliquant qu’en 1789 et dans la première partie du XVIIIsiècle, les réactionnaires et les conservateurs constituaient un seul et même groupe. Ensuite, le groupe se fracture : les réactionnaires sont ceux qui même en 1940 continuent de contester la démocratie parlementaire et le libéralisme politique, concepts que les conservateurs britanniques avaient embrassés depuis 150 ans.

La difficulté est que le terme de « conservateur » n’a pas de légitimité historique en France : aucun personnage politique, aucun intellectuel n’assume le terme ou n’est désigné comme tel par les historiens. Or j’estime qu’il y en a eu ! J’essaie de légitimer une catégorie nouvelle, ce qui est un défi considérable. Il nous faut repenser notre histoire politique et intellectuelle en fonction de cette catégorie. Autrement, nous resterons prisonniers de concepts historiques inadéquats.

L’un de vos chapitres s’appelle joliment « Apologie de la limite ». C’est bien autour de cette idée qu’un nouveau consensus est en train de naître, mêlant Gustave Thibon à Jean-Claude Michéa, Ernst Jünger et Christopher Lasch, William Morris et le pape François, les Veilleurs et La décroissance … Mais que peut-il contre le « règne de la quantité » ?
Ces auteurs et courants présentent des différences et ne constituent pas un courant unifié. En revanche il y a bien une proximité de sensibilité entre eux. Quand je défends un conservatisme ouvert à certains aspects du libéralisme, j’ai bien conscience que j’introduis une tension, mais elle est pour moi surmontable. Je distinguerais de ce fait le « règne de la quantité », qui ne nous mène nulle part, de la défense de la prospérité humaine, qui me semble indispensable.

Les sociétés les plus prospères sont aussi celles qui ont produit les plus grandes civilisations : il faut un niveau de prospérité minimale pour pouvoir introduire une division du travail et donc permettre l’émergence de certaines activités à première vue non productives, comme l’art, mais indispensables. Je me méfie donc de la condamnation uniforme de la croissance ou de la richesse, car c’est faire bien peu de cas de la chance que nous avons ! Ensuite, tout l’enjeu pour une société est de faire en sorte que la prospérité ne devienne pas une fin en soi. J’ai beaucoup d’admiration pour ceux qui ont su renoncer réellement au confort de la vie moderne – mais combien sont-ils ? Pour nous, le commun des mortels, essayons d’abord de réintroduire des valeurs, et de distinguer, dans le monde du superflu qui est devenu le nôtre, le superflu utile du superflu délétère.

Dans la plus grande partie de votre livre, vous souhaitez défendre une représentation politique du conservatisme, un champ qui vous paraît encore essentiel. Pourtant, il faut aller à la conclusion pour vous voir envisager un « en dehors du politique », qui ne serait pas moins indispensable et peut-être plus fertile. Où en êtes-vous aujourd’hui ? 
Le livre est construit sur deux niveaux, un niveau politique, et un niveau philosophique. Introduire une philosophie conservatrice, une forme de métaphysique du changement, des limites, est aussi un projet fertile. Tout dépend ensuite de ce que vous entendez par « politique ». J’inclus la société civile dans le champ du politique au sens large, même si tout l’enjeu pour le conservateur est de faire vivre une société civile indépendante de l’État.

D’autres sujets qui me tiennent à cœur et pourraient constituer des projets conservateurs non premièrement politiques : ré-accueillir la beauté, redéfinir le sacré dans un monde séculier, définir ce qu’est le « chez-soi » (le « home » en anglais) et pourquoi nous en avons besoin, et défendre le besoin d’inutilité dans un monde qui instrumentalise tout, jusqu’à la connaissance…

Propos recueillis par Thomas Renaud

Retrouvez la première partie de cet entretien ici 

Vous avez dit conservateur ? de Laetitia Strauch-Bonart © Éditions du Cerf
Vous avez dit conservateur ? de Laetitia Strauch-Bonart © Éditions du Cerf

Vous avez dit conservateur ?de Laetitia Strauch-Bonart. Éditions du Cerf, 317 pages, 22 euros.

Tags:
Bien communFrancePolitique
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