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Les deux styles catholiques d’aujourd’hui

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Jean Duchesne - publié le 11/06/16

Il y a le genre "affirmatif" et le mode "propositionnel". Mais il n’y a pas à choisir entre les deux.

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Nos débats aiment les alternatives : blanc ou noir, gauche ou droite, juste ou faux, admirable ou abominable, et il est parfois difficile de se situer entre les deux. C’est ce qui semble, du moins jusqu’à un certain point, se dessiner ces temps-ci parmi les catholiques pratiquants.

D’un côté, un courant dit sans doute un peu vite « identitaire ». On n’y a pas peur d’afficher sa particularité, sa différence, son décalage même par rapport au reste de la société de plus en plus sécularisée. L’indignation contre le passage en force du « mariage pour tous », imposé par certaines élites malgré une protestation populaire massive, a donné à ce besoin l’occasion de prendre conscience de sa vigueur : on se distingue, on s’affiche, on entend ne rien lâcher, et tant pis pour ceux qui persistent dans leurs errements, même si leur nombre ne cesse d’augmenter. On les plaint, mais on reconnaît qu’ils sont libres. Il s’agit seulement de ne pas se laisser contaminer et de tenir bon en priant l’Esprit Saint de toucher les cœurs des brebis égarées, voire de la faune charriée depuis quelques décennies par les flux migratoires.

D’un autre côté, une attitude plus ouverte, plus attentive aux tentations et aux épreuves, mais aussi aux inquiétudes comme aux convictions de nos contemporains dont on ne désespère pas et auxquels on ne se juge pas infailliblement supérieur. On sait que l’anathème et l’automarginalisation ne sont pas des moyens efficaces d’évangélisation et qu’il faut, comme tous les missionnaires depuis vingt siècles, écouter et comprendre ceux auxquels on est envoyé. Dans cette perspective, apprendre leur langue, donc leur vision du monde, et christianiser leur culture au lieu de la conformer à un modèle idéalisé (celui de la chrétienté médiévale ou post-tridentine, par exemple), c’est être non pas laxiste, mais fidèle à la Tradition la plus sure, qui enseigne que la fermeté n’exclut ni la bienveillance, ni la patience, ni la confiance.

Affirmatif ou propositionnel ?

On voit ici que cette bipolarisation n’est pas une simple mutation de l’antagonisme  d’antan entre progressistes et conservateurs. Le catholicisme que l’on peut appeler « affirmatif » n’est pas passéiste et cherche à résister plutôt qu’à (re)prendre du pouvoir. Son symétrique, que l’on pourrait nommer « propositionnel » et qui est probablement majoritaire parmi ceux qui se disent croyants, n’a pas davantage d’ambitions de conquête et ne verse pas dans les approximations liturgiques et théologiques qui ont ébranlé l’Église après Vatican II.

Sauf pour quelques intransigeants attardés, le dernier concile n’est d’ailleurs plus une pomme de discorde. L’œcuménisme et même la coopération interreligieuse non plus : en matière « sociétale » et environnementale, on se retrouve des deux côtés proche de bien des protestants, orthodoxes, musulmans, bouddhistes, etc. (bien que l’on soit, dans la tendance « propositionnelle »», peut-être plus soucieux de recevoir et déchiffrer l’islam). Enfin, de part et d’autre, des laïcs sont actifs et bien visibles : l’ère du cléricalisme est révolue – de sorte que le vieil anticléricalisme peut jeter le masque et s’avouer platement « christianophobe ».

La divergence entre les deux styles porte peut-être sur les méthodes de ce que l’on nommait autrefois « l’apostolat ». Ici, une présentation du catholicisme dans son intégralité objective et indivisible, à prendre ou à laisser en bloc. Là un témoignage d’expériences plus ou moins subjectives et la recherche de convergences ou de pierres d’attente chez les personnes rencontrées. Ici toute autre réponse qu’un « oui » inconditionnel est un « non » ; là on invite à partager et cheminer. L’alternative apparaît dans la « pastorale », à l’occasion de demandes de baptême, de mariage ou d’obsèques, et encore à propos de la communion des divorcés remariés. La question de savoir si la foi de ceux qui se présentent est authentique ou du moins suffisante n’est pas toujours si facile à trancher et, dans le cas des couples « reconstitués », les dispositions intérieures n’accomplissent pas automatiquement la réconciliation nécessaire…

Matthieu contre Marc et Luc des deux côtés

Or les deux attitudes – rigoriste ou complaisante – sont également évangéliques. « Qui n’est pas avec moi est contre moi », dit Jésus en Matthieu 12, 30. Ce pourrait être la devise du catholicisme « affirmatif ». Mais celui qui est « propositionnel » est conforté par Marc 9, 40 où le Christ déclare : « Celui qui n’est pas contre nous est pour nous ». Et le troisième synoptique rapporte tranquillement ces deux propos apparemment contradictoires : Luc 11, 23 est identique à Matthieu 12, 30 et Luc 9, 50 reproduit Marc 9, 40 en substituant seulement « vous » à « nous » ! Il n’y a donc pas lieu de se diviser, en donnant raison aux uns et tort aux autres. Jésus lui-même semble donc avoir été « affirmatif » et « propositionnel », « inclusif » et « exclusif ».

En fait, la ligne de partage ne passe pas entre deux camps, mais en chacun, au gré des circonstances, des interlocuteurs et des situations personnelles qui ne sont jamais aussi figées qu’on le voudrait ou le craint parfois. C’est un paradoxe éloquemment illustré par l’Épître à Diognète, cet écrit apologétique anonyme du IIe ou IIIe siècle : le chrétien est dans le monde, mais pas du monde, c’est-à-dire qu’il en est solidaire en même temps que résolument à part, voire critique, et qu’il ne peut ni se fabriquer une bulle de prétendue sainteté hermétique aux corruptions ambiantes, ni se comporter comme si les autres avaient la foi sans le savoir. C’est une position précaire mais stimulante d’équilibriste. Elle n’est tenable qu’avec trois aides : celle d’abord de ses frères (et surtout ceux qui poussent dans la direction opposée à celle vers laquelle on penche) ; ensuite et plus profondément, celle de l’Église et de sa hiérarchie gardienne de l’unité ; et, plus originellement encore, celle de la troisième personne de la Trinité divine, l’Esprit Saint dont la présence active affranchit de la séduction des dilemmes réducteurs.

Tags:
Catholiques
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