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Seize sœurs pour l’échafaud

dialogues des carmelites

©tekoaphotos

Alexandre Meyer - publié le 12/02/16

La Compagnie du Théâtre de l'Arc-en-Ciel a monté "Dialogues des Carmélites" de Georges Bernanos à la Cartoucherie.

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À quelques encâblures du périphérique, à main droite derrière les créneaux du château de Vincennes en quittant l’avenue de Paris, une allée s’enfonce dans le bois. L’air glacé mordille les joues. Les bruits de la ville s’estompent. La pénombre du poumon de l’Est parisien est moite et tranquille. Un portail de fer annonce la Cartoucherie, reconvertie par Ariane Mnouchkine en lieu de création théâtrale dans les années 60. Au bout d’une voie pavée mangée de verdure, quelques roulottes pimpantes, une rangée de bâtisses aux grands volets de bois peints et un lourd rideaux derrière lequel on devine l’ambiance animée du théâtre de l’épée de bois.

Quelques spectateurs bousculés par le retentissement de la sonnette avalent à la hâte une bouchée de (fameuse) tarte salée et sifflent d’un trait leur ballon couleur rubis. Le foyer étayé de poutres nues et clos de voiles de lin se vide. Pour la première fois en 30 ans (et pour quelques soirs* encore), le public parisien peut devenir le témoin discret des Dialogues des Carmélites et suivre le destin funeste de la jeune Blanche de la Force et de ses compagnes.

Carmel, coryphée et chorégraphie mystique

La salle est confortable et chaleureuse, coiffée de tôle ondulée mate. La scène est tendue d’un tissu épais comme un scapulaire. Dans le clair-obscur d’un éclairage savamment distillé, les personnages évoluent d’un pas alerte dans un léger craquement de plancher au milieu d’un décors zen. Deux rangées de chaises se font face en guise de stalles. Dans un coin quelques instruments inattendus (gong, guitare, tambour, flûte, bâton de pluie…) vont rythmer de leur timbre ou de leur chuintement, les tableaux méditatifs qui s’enchaîneront d’un seul souffle pendant deux heures.

Le dépouillement de la mise en scène (signée Olivier Fenoy) contraste avec la richesse du jeu des acteurs, des religieuses surtout, émouvantes d’authenticité. Un coryphée (Cécile Maudet), interprète d’une voix claire qu’accompagnent les instruments, des textes poétiques du mystique persan Roumi ou des réformateurs du Carmel, Thérèse d’Avila et Jean de la Croix.

Une œuvre posthume

Les Dialogues des Carmélites, constituent la seule œuvre théâtrale de Georges Bernanos qui les écrivit à l’origine pour un scénario cinématographique inspiré d’une nouvelle de Gertrud von Le Fort « Die Letzte am Schaffot, La dernière à l’échafaud », retraçant l’histoire de seize Carmélites de Compiègne guillotinées pendant la Terreur. L’adaptation de l’œuvre posthume de Bernanos est signée Bastien Ossart qui nous livre le récit du contexte historique à partir des textes (tyranniques et glaçants d’absurdité) de l’Assemblée constituante ou de Fouquier Tinville. Textes récités par trois commissaires de la Républiques zélés et inspirés (Lorenzo Charoy, Julien Marcland et Gabriel Perez), comme autant de didascalies partagées à l’oreille du public.

« L’angoisse humaine n’était jamais montée si haut »

Nos carmélites sont vêtues de blanc, figées ou affairées, stoïques ou volubiles, craintives ou résignées et toujours pures, comme taillées dans l’albâtre. Plongée dans la tourmente d’une Révolution, bruyante et scélérate, où « la vie n’a pas plus de prix que les assignats », mais une lueur brille dans la nuit : « là où les prêtres manquent l’Esprit surabonde ». La foi de la communauté ne s’affadit pas. Pourtant, « l’angoisse humaine n’était jamais montée si haut. » Elle est palpable au pouls des petites sœurs dont les jeux se sont tus. La carmagnole retentit au loin pendant une prise de voile, toute de douceur et de grâce. « L’esprit du siècle pénètrera-t-il en ces lieux » dit la Mère Marie de l’Incarnation ? « Il faut savoir risquer la peur comme on risque la mort ».

« La manière de donner vaut mieux que ce qu’on donne. »

Le culte de la raison et de son être suprême l’a emporté. La déchristianisation est en marche au pays des rois sacrés. Les chefs d’accusation tombent comme le couperet auquel l’injustice de la Terreur vous livre : « Trahison, contre-révolution, fanatisme ! » « La liberté est engloutie dans un flot de sang mais la mort agonise dans un jaillissement de splendeur. » Les Carmélites de Compiègne ont donné leur vie pour sauver la France. Et « la manière de donner vaut mieux que ce qu’on donne. » Dix jours après leur sacrifice, la tête de Robespierre roulait à son tour dans la corbeille.

Les Carmélites de Compiègne sont ensevelies depuis 1794 parmi plus de 1300 suppliciés, dans une fosse du cimetière de Picpus, non loin de la place qui les a vues mourir et des planches où elles reprennent vie.

* Dialogues des Carmélites, de Georges Bernanos, au Théâtre de l’Épée-de-Bois, La Cartoucherie, route du Champs-de-Manœuvre, Paris 12e, jusqu’au 21 février, du mercredi au samedi à 20 h 30, le dimanche à 16 h. Réservations : 01 48 08 39 74 ; www.theatrearcenciel.com
Représentations à Lyon, du 23 juin au 3 juillet 2016, lors des 21es soirées d’été du château de Machy.

** Chef de chœur dans la tragédie grecque antique.

Tags:
Georges BernanosRévolution françaiseThéâtre
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