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Véronique Lévy : « Je supplie les chrétiens de ne pas abandonner leurs églises »

Veronique Levy

© Jean-Christophe Marmara / Figarophoto

Arthur Herlin - publié le 10/07/15

À l'occasion de la sortie de son livre autobiographique "Montre moi ton visage", qui témoigne de sa conversion au christianisme et de ses expériences mystiques, Véronique Lévy a répondu à nos questions.

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Aleteia : Quels ont été les changements dans votre vie au quotidien depuis votre baptême le 7 avril 2012 ?
Véronique Lévy :
Ma vision du monde a changé en profondeur : je ne suis plus seule. La petite fille Espérance dont parle Charles Péguy me tient par la main. Et aujourd’hui, je suis traversée par une paix et une joie nouvelles. Indéracinables. La certitude d’être aimée inconditionnellement. Je sens le regard du Christ posé sur moi dans les actes les plus quotidiens. Avant le baptême, j’étais très sensible à la souffrance des autres, aux injustices du monde ; j’étais vite désespérée, révoltée. Je me débattais entre la violence aveugle et le sentiment d’un Univers dérivant vers l’absurde. Mais aujourd’hui, je vois Jésus plus loin, plus haut, au-delà. Je L’aperçois transperçant les mirages, les injustices, les douleurs les plus opaques. Tout prend sens, s’ordonne autour de son Amour. Le monde s’illumine… en Lui et par Lui. Et puis, émergeant d’un regard violent ou triste, d’un cœur défiguré par la haine, enseveli sous la dureté de la pierre, j’aperçois la fragilité d’une blessure, une beauté balbutiante, comme un sourire sauvé : ce poinçon de Dieu, le visage de notre nativité, créé à son image et sa ressemblance.

Quelques mois après la lune de miel du baptême, un drame va déchirer ma vie : mon frère Philippe tombe du sixième étage de son immeuble, le jour de son anniversaire. Quand j’apprends qu’il est encore vivant, en réanimation à l’hôpital Bichat, une espérance folle me soulève, une confiance surnaturelle se déploie en moi. Doucement, le mot miracle émerge du fond de ma détresse : sa vie n’est-elle pas suspendue au souffle de Dieu ? Pourtant, le diagnostic des médecins est sans appel. Mais moi, je crois qu’il vivra. Cette conviction s’enracine mystérieusement. Jésus n’a-t-Il pas dit : « Tout ce que vous demanderez à mon Père en mon nom, Il vous l’accordera » ? Alors je supplie Dieu nuit et jour : une prière qui s’égrène goutte à goutte de son Cœur à mon cœur, de mes veines à celles de mon frère ; unie à Jésus, greffée tel le sarment à la vigne, ce n’est plus moi qui vit, c’est Christ qui vit en moi. Il me donne la force de me lever, de marcher dans la neige ; traverser le labyrinthe interminable des couloirs de l’hôpital, jusqu’à ce pauvre corps brisé, abandonné là, en sa passion. Et puis, la nuit de Noël, Philippe se réveille du coma. Quelques semaines plus tard, il est sauvé. Les médecins sont confondus… Bernard, mon frère aîné, aussi. Exaspéré par mes prières, il s’était énervé quelques jours plus tôt ; je lui avais tenu tête en proclamant : « Il y aura un miracle, la Gloire de Dieu va éclater ! C’est le Dieu des vivants et pas des morts, le Maître de l’impossible ! ».

Vous dites dans votre livre que vous étiez le « vilain petit canard » et que vous vouliez devenir un cygne blanc, l’êtes vous devenue ?
V. L. :
J’étais une enfant choyée mais je me sentais parfois étrangère au sein de ma famille. J’étais différente… Un peu sauvage, silencieuse. J’avais du mal à trouver ma place. Ce conte d’Andersen me touchait car il évoquait une métamorphose mystérieuse : la différence et la solitude du vilain petit canard devenaient une grâce. Mais le sens profond de ce conte demeurait voilé. Je n’imaginais pas alors que je deviendrais catholique… Que par le baptême mes blessures et mes manques seraient transfigurés en son Amour ; je n’imaginais pas qu’en mes faiblesses, sa force, sa paix, sa liberté se déploieraient en moi. Pourtant je L’attendais ce Dieu d’Amour… Je contemplais en cachette le crucifix qu’une enfant de mon âge m’avait offert sur la plage. Je devinais déjà dans ses bras grands ouverts, son appel déchirant l’espace, le temps, pour me rejoindre.
Vous dites dans votre livre avoir souhaité vous convertir pour voir un prêtre se pencher sur vous le jour de votre mort. Aujourd’hui, quelles sont vos motivations à persévérer dans la foi catholique ?
V. L. :
L’union avec Jésus ; accueillir, bercer en mon cœur le Dieu Trine. Boire à la source. « Le cœur de Dieu c’est mon ciel », écrivait Thérèse de Lisieux… Ma terre promise c’est Lui. Au seuil de la porte étroite, j’attends la grande traversée en son Amour ; tout Lui donner. La clé ? L’humilité : « Qui perd sa vie à cause de moi la sauvera ». J’aime Jésus à la folie… folle peut-être, mais folle de Dieu ! Je communie tous les jours. C’est le lieu du rendez-vous… et comme une femme amoureuse passant les mers pour rejoindre son amour, je remonte à la source ; l’étreindre dans l’Eucharistie et me laisser étreindre, aspirée en Lui : « En un instant, l’amour a tout brûlé ! » (Thérèse de Lisieux). Et puis qui pourrait étancher ma soif sinon Dieu ? Comme une biche assoiffée cherche l’eau vive, mon âme a soif du Dieu vivant. Parfois, en plein métro, aux heures de pointe, Jésus me saisit. Il me déborde de sa joie. À travers moi, c’est Lui qui aime cette foule fatiguée. Alors, soudain, j’ai envie de prendre dans mes bras ces inconnus si tristes, de leur annoncer la Bonne Nouvelle : ils sont tous aimés inconditionnellement ! Dans cette société de contrôle des naissances, de la mort et de l’amour sans risques, on a peur du don : on s’endurcit, on calcule ; on avance armé pour survivre. Jésus vient balayer tout ça : Il nous veut à découvert, Il nous désarme, nous met à nu. Sa vengeance, c’est son Amour !

Toutes ces coïncidences que vous avez vécues au cours de votre vie, pensez-vous quelles soient à la portée de n’importe qui ? Que conseilleriez-vous à quelqu’un pour qu’il vive cette expérience ?
V. L. :
Dans la trame du livre, il y a trois tissages : le premier, c’est le roc, la Parole de Dieu ouvrant chaque chapitre ; et, au cœur du récit narratif, comme la poupée minuscule la plus secrète des Matriochka, sont enchâssés les dialogues avec Jésus : des lettres d’amour, écrites devant le Saint-Sacrement. La partie autobiographique a été douloureuse… J’ai dû me faire violence pour l’écrire : il a fallu traverser des deuils, des ruptures, des traumatismes, un viol. Mais très vite, un fil rouge est apparu. Je l’ai suivi… Un chemin lumineux parsemé de petits cailloux blancs (les grâces) s’est ouvert au creux des mots. J’ai mis mes pas dans ceux du Seigneur. Sa Présence était là. J’écrivais sous son regard, avec Lui, en Lui, par Lui. Tous les éléments de ma vie, en sommeil, disjoints dans ma mémoire, se sont rassemblés comme un puzzle autour de son Visage. Les clins d’œil de Dieu éclairaient ma route dès l’enfance, comme des balises dans la nuit : le prénom de ma nounou, Incarnation ; cette petite fille de mon âge qui, sur une plage surpeuplée d’Antibes, murmura cette phrase prophétique : « Crois en Jésus-Christ, sinon les robots t’emporteront ! ». À travers la bouche de l’enfant, le Christ s’est présenté à moi comme le Sauveur d’un homme sans visage : virtuel, morcelé, coupé de sa source. Alors, tout a pris sens… Et l’écriture est devenue prière, action de grâce, exultation. Parler de moi, c’était parler de Lui, de sa Grâce qui nous relève. Ce livre est l’histoire d’une résurrection. C’était, enfin, tisser un lien avec tous ces lecteurs inconnus et leur dire : « Écoutez, voyez… ouvrez votre cœur à ces signes, ces appels de Dieu dans votre vie. N’effacez pas l’empreinte de Ses pas. Mettez les vôtres dans les Siens et avancez au large en son Amour ».

Envisagez-vous de vous lier à un autre homme aujourd’hui ?
V. L. :

Je suis parfois émue par la beauté d’un homme, la pureté d’un regard, la délicatesse des traits. J’y vois l’ombre de Dieu ; c’est un émerveillement enfantin et rien de plus. Mais je n’ai pas de désir amoureux ni même la nostalgie d’une idylle… car aujourd’hui mon corps est pour le Seigneur et le Seigneur est pour le corps. Jésus m’a conduite au port de mon désir. Une nuit, quelques années auparavant, juste après la mort de mon père, j’ai fait un songe prophétique… Je suis encerclée par des hommes, recouverte d’un long voile de crêpe noir : en deuil. Ils me lancent de l’un à l’autre, poupée disloquée. Ils ricanent. Je m’arrache à cet anneau maléfique. Je cours, m’écroule à bout de force… Devant moi, une cathédrale. Les portes s’ouvrent… Je m’y engouffre. J’entends les battements d’un Cœur, profonds, puissants. Je lève les yeux. Le Christ en croix, gigantesque, me regarde. Il m’attendait. Ses bras grands ouverts s’étirent jusqu’au vertige. Soudain, ils quittent l’horizontale et me pointent. Les battements de son Cœur s’amplifient comme le tonnerre. Sa voix s’élève, majestueuse. J’entends : « J’arracherai ton cœur de pierre et j’y mettrai un cœur de chair ». Et de ses deux paumes ouvertes d’où s’écoule le sang, s’échappent deux lames. Elles transpercent mon cœur. Au réveil, une joie m’irradie : la brûlure d’un Amour nucléaire.

Je n’ai jamais oublié ce rêve. Cette phrase mystérieuse du Christ fut un tatouage sur mon cœur ; je la découvrirai bien plus tard, au catéchuménat, dans le livre du prophète Ezéchiel : elle annonçait le baptême ! Mais à cette époque de ma vie, son sens demeure voilé. Je traîne toutes les nuits dans un bar de la Bastille avec une bande interlope de paumés à la dérive, d’anges déçus. Je perds ma vie dans des coups de cœur sans issue et sans suite. J’attends l’Amour… absolu, inconditionnel. Un soir, le 7 avril 2010, date anniversaire de mon baptême, mais je l’ignore encore, j’y rencontre Indar, un homme énigmatique au visage d’icône. Nous tombons éperdument, follement, amoureux. Pour la première fois, je suis désarmée. Je m’incarne dans l’unité retrouvée de l’âme et de la chair. À travers cet amour, le Christ m’appelle et ouvre grand mon cœur… Un dimanche, Indar m’entraîne à l’église Saint-Gervais. Mais la relation s’enlise : violence et passion. Puis, un matin, il disparaît. Je suis dévastée. Mon cœur est broyé mais vivant. Je comprends que cet amour inconditionnel tant attendu, le Christ seul peut me l’offrir. Mon cœur blessé, mais ouvert, ne peut plus se refermer. Il ne peut battre qu’au rythme de son Cœur : le plonger dans le Sien… pour qu’il reste vivant !

Cette rupture est l’ultime coup de Grâce. Je décide de demander le baptême. Après une nuit blanche, je me réfugie dans l’église, en pleurs. Je cherche Sœur Catherine pour l’inscription officielle au catéchuménat. Un moine âgé, le père Pierre-Marie Delfieux, fondateur des Fraternités monastiques de Jérusalem, s’avance vers moi. Il a le regard étincelant d’un vieux marin qui tient le cap. Il me murmure : « Véronique de Jésus… Tu as répondu à l’appel brûlant du Seigneur… Même si ton père et ta mère t’abandonne, le Seigneur, Lui, ne t’abandonnera pas ». À cet instant, une espérance se lève. Je reconnais en lui un père, et au-delà de lui, Celui qui m’appelle. Je suis enfin venue au rendez-vous, en cette église où Il m’attend, caché au fond du tabernacle. L’Église n’est-elle pas la famille dont j’ai toujours rêvée ? Elle m’ouvre grand ses portes : mon songe se réalise… J’y découvre des frères, des sœurs, partageant le même sang : le Sang du Christ ! J’avance en eaux profondes, là où je n’ai plus pied, dans l’éblouissement d’une naissance.
Pourquoi vous habillez-vous désormais en bleu ?
V. L. :
Je me blottis sous le manteau de Marie, ma Maman des Cieux. Bleu… comme l’azur impossible, l’horizon ; là où ciel et mer s’unissent l’un en l’autre. C’est la couleur d’une traversée. Des murs bleus s’ouvrent sur l’infini. Dans le symbolisme des icônes, c’est la couleur de Dieu. Nous, chrétiens, n’avons-nous pas la nostalgie de l’océan, d’être plongés en son Éternité ? Comme des petits poissons remontant les courants vers la source bleue, la racine de la flamme, son point le plus chaud. Foi vive.

Qu’a pensé votre entourage lorsque vous vous êtes convertie ?
V. L. :
Quand je suis retournée voir mes amis dans ce bar de nuit de la Bastille, ils ne m’ont pas reconnue. Ils m’ont supplié de leur dire ce que j’avais fumé, surpris par cette paix nouvelle, cette joie irréductible, la Sienne, qui émanait de mon regard. Ils s’étonnaient et soupçonnaient un secret ; un coup de foudre, une passion définitive… ils avaient raison ! Beaucoup sont venus à mon baptême… Quand je l’ai annoncé à mon frère Bernard, il s’est effondré. C’était au téléphone… Il y a eu un long silence, interminable. Une armée d’anges est passée ! Au début, il a cru à un caprice, une nouvelle lubie ; une provocation de plus ou pire, une dépression : il s’est rassuré comme il a pu. Moi je lui répétais en boucle : « Je suis folle de Jésus. Depuis toujours je Le cherchais, je L’attendais. Rien ni personne ne m’arrachera de sa main. Mon baptême… mes fiançailles… C’est dans sa mort que je serai baptisée ! ». Mes paroles l’inquiétaient. Finalement il m’a dit qu’il viendrait.

Selon vous, pour quelle raison votre frère Bernard-Henri Lévy a-t-il accepté de venir à votre baptême ?
V. L. :
C’est un mystère… Il est même venu à l’appel décisif, à la Cathédrale Notre-Dame de Paris. La cérémonie a duré quatre heures et demi ! Il n’en pouvait plus ! Simple coïncidence ou clin d’œil de Dieu? À cette époque, il recherchait pour une exposition des représentations de sainte Véronique ; à la sixième station du chemin de Croix, cette jeune fille se précipite à travers la foule des soldats romains et des juifs hystériques, enlève son voile, le pose sur le visage du Christ défiguré par les crachats, le sang et les larmes. Et la Sainte Face s’imprime miraculeusement sur la toile ; image vraie, photographie de la Passion, de l’Amour donné jusqu’à l’extrême. À la veillée pascale, quand je reçois l’eau baptismale, je surprends son regard ému, embué. Il se tient à gauche de l’autel, fasciné.

Vous aimeriez qu’il vive la même expérience que vous ?
V. L. : 
Oui… Que le foudroiement qu’il a évoqué soit un foudroiement d’amour. Qu’au fond de son cœur, il rencontre Celui qui est le chemin, la vérité, la vie. Je prie pour lui.

A-t-il lu votre livre ?
V. L. :
Oui … Il a été touché. Il m’a dit avoir été bouleversé.

Avez-vous un message à adresser aux lecteurs d’Aleteia ?
V. L. :
C’est plutôt une prière. Avoir confiance, ne pas avoir peur, même dans des situations difficiles ; affirmer sa foi, oser porter la croix. Annoncer la Bonne Nouvelle d’un Dieu qui nous a sauvés, rayonner son amour, diffuser sa Grâce. Par un regard, un sourire, un silence. Être sel, être levain. Ne pas s’affadir pour ne pas être foulés aux pieds ! Les églises ne se vident pas. Il y a de plus en plus de conversions, au contraire ! Mais on ne le dit pas ! Je supplie les chrétiens de ne pas abandonner leurs églises, de les habiter, de les fleurir, de les soigner. Elles sont le Corps qui nous nourrit. Jésus y repose. Il nous attend dans le silence de l’Adoration, palpitant dans l’hostie diaphane ; Il nous étreint de sa Miséricorde dans le sacrement du pardon ; nous enveloppe et nous attire à Lui dans l’Eucharistie. Brûlons d’un zèle jaloux pour le Seigneur car Il nous demandera par trois fois au seuil du face à face : « M’aimes-tu ? J’avais froid et tu ne m’as pas réchauffé de ton amour. J’étais nu et tu ne m’as pas revêtu de tes larmes. J’étais seul dans le tabernacle et tu ne m’as pas visité. Ni consolé de ta présence. J’ai traversé la mort pour te rejoindre et te donner ma Gloire. Mais toi, où étais-tu ? ».

Propos recueillis par Arthur Herlin

Tags:
Conversion
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