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Célibat des prêtres : stop ou encore ?

ordinations sacerdotales

© P.DELISS / GODONG

Philippe Oswald - publié le 23/09/14

Le célibat sacerdotal passe pour être un caillou dans la chaussure de l’Eglise, un archaïsme cruel, responsable de la crise des vocations et des scandales pédophiles. Des lieux communs qu’explore et démonte une passionnante enquête de Jean Mercier.

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Pour les médias et une grande partie de l’opinion, même catholique, la cause est entendue : le « mariage des prêtres » serait une mesure salutaire. Ils deviendraient enfin des hommes « comme tout le monde », tant la relation affective et  sexuelle semble le parcours obligé d’une vie réussie. Glissons sur le paradoxe de cette soudaine promotion du mariage par ailleurs en perte de vitesse et dévalorisé -sauf s’il s’agit du « mariage gay » qui passe encore pour une « avancée citoyenne » (ses promoteurs ne manqueraient d’ailleurs pas de réclamer que des prêtres puissent en bénéficier sitôt aboli le célibat sacerdotal…).

 Il reste que face à la pénurie des vocations sacerdotales, l’idée de permettre l’ordination d’hommes mariés  fait son chemin dans l’Eglise. La question d’un changement ou du moins d’une inflexion de la discipline de l’Eglise catholique sur le célibat sacerdotal est aujourd’hui posée ouvertement  par des évêques et par le pape François lui-même.
Journaliste, rédacteur en chef adjoint à l’hebdomadaire La Vie, en charge des questions religieuses, Jean Mercier ne se satisfait pas des lieux communs et des idées toutes faites. Au terme d’un véritable audit sur le célibat sacerdotal, il livre un dossier complet, explorant les aspects historiques, théologiques et spirituels, et riches de nombreux témoignages de prêtres célibataires et mariés, et parfois des épouses de ceux-ci. C’est finalement une étude de la faisabilité de l’ordination d’hommes mariés qu’il propose.  L’Eglise lui en saura gré.  

Vous avez mené une longue enquête sur la question du célibat des prêtres. Avez-vous eu des surprises en travaillant sur ce sujet qui semble rebattu ?
Jean Mercier : Oui, car je me suis confronté aux idées reçues. On entend par exemple que l’Eglise devrait renouer avec sa pratique du premier millénaire, à savoir l’ordination d’hommes mariés à la prêtrise. Ce que l’on sait moins, c’est qu’ils étaient astreints, comme leurs épouses, à la continence sexuelle. On occulte en général ce “détail” !
Une autre idée reçue est que l’impossibilité de vivre le célibat serait la cause du départ de certains prêtres pour se marier. Mais ceci empêche de voir d’autres enjeux. Un prêtre qui tombe amoureux, c’est souvent un homme déçu – par sa paroisse, son évêque – et trouve ainsi une issue à sa crise “conjugale” avec l’Eglise, même de façon inconsciente. Cela s’apparente à ce que fait un homme marié quand il part pour une autre femme. Le célibat semble le coupable idéal. Mais le conflit est souvent ailleurs : dans le rapport du prêtre à son image idéale et à l’Eglise.

On croit souvent qu’il n’y a pas de prêtres mariés au sein de l’Eglise catholique ? Vous démontrez que non.
J. M. : Oui. Il y a des prêtres mariés dans l’Eglise catholique, notamment dans les Eglises orientales, qui ont reçu leur modèle des Eglises orthodoxes, où existe un clergé à double niveau : les curés de paroisse, mariés, mais aussi des prêtres célibataires, assimilés à des moines.
Mais il y en a aussi entre 300 et 400 dans l’Eglise latine d’Occident, qui sont d’anciens ministres du culte protestant ou anglican, ordonnés prêtres bien que mariés par dérogation du Saint Siège. J’explore dans mon livre cette réalité méconnue. On ignore par exemple que c’est l’épouse qui doit faire bouillir la marmite. La disponibilité apostolique du prêtre marié dépend donc de la mobilité professionnelle de son épouse. Et c’est donc compliqué !

N’est-il pas paradoxal que les deux papes qui ont permis l’accès au sacerdoce d’hommes mariés au sein de l’Eglise catholique de rite latin, Jean Paul II et Benoît XVI, soient catalogués comme  «conservateurs» ?



J. M. : C’est sans doute parce que ces deux Papes avaient cette image qu’ils ont pu agir ainsi, sans passer pour des révolutionnaires. Cependant, ils n’ont jamais voulu créer un laboratoire en vue d’une évolution de toute l’Eglise. Ils répondaient aux désirs spécifiques de convertis.

On présente « le mariage des prêtres » comme « la » solution à la crise des vocations et « la » réponse aux scandales sexuels qui secouent l’Eglise. Double illusion ?
J. M. : Oui. Le “mariage” des prêtres n’a jamais existé, sauf en France au moment de la Révolution ! C’est très différent de l’ordination d’hommes mariés. La crise des vocations est complexe…Le problème est d’abord la crise de la masculinité vis à vis du don de soi. On ne trouve que très peu d’hommes prêts à devenir enseignants, par exemple, bien que mariés.
Par ailleurs, le sacerdoce est dévalorisé chez les catholiques. Ils n’ont pas envie que leur fils, ayant fait de belles études, se fasse curé. Là est le nœud.
Quand à imaginer que l’existence de prêtres mariés pourrait éviter les scandales sexuels des clercs, on rêve… La pédophilie est une perversion qui concerne majoritairement des hommes mariés.

Pressés de se prononcer sur l’«ouverture» de l’Eglise à un assouplissement de la règle du célibat, de nombreux évêques et le pape François lui-même commencent par répondre que celui-ci est une mesure disciplinaire et non dogmatique. Mais vous semblez les contredire en répondant : « quasi dogmatique » !
J. M. : Oui, parce que nous sommes dans une zone grise entre le dogme et la discipline. Dire que le célibat n’est qu’une règle disciplinaire est vrai sur la forme, mais pas sur le fond. Le célibat est une tradition profondément enracinée dans la culture du catholicisme, et aussi dans la tête des non-catholiques. Le célibat est au cœur de l’identité du prêtre. Ce n’est pas en bousculant celle-ci qu’on remplirait les séminaires. Au contraire !

Votre enquête croise les aspects historiques, sociologiques, psychologiques, théologiques, mais finalement, n’est-ce pas l’aspect mystique qui justifie ultimement le célibat : le prêtre configuré au Christ ?
J. M. : Le prêtre n’est pas seulement, comme tout baptisé, un “autre Christ”. Il est Jésus “lui-même” quand il célèbre la messe et qu’il pardonne les péchés. Il assume totalement le “je” de Jésus. Le célibat n’a de sens que dans l’étroite identification qui existe entre le prêtre et Jésus. Le prêtre partage, de façon mystique, l’union conjugale qui existe entre le Christ et l’Eglise. Ce n’est pas qu’une définition théologique mais une réalité existentielle, que les prêtres vivent selon des modalités diverses.

Votre pronostic sur la probabilité que l’Eglise décide d’ordonner prêtres des « viri probati », c’est-à-dire des hommes mariés ayant fait leurs preuves, parallèlement à des célibataires ?
J. M. : Si j’en crois ce que semble penser le Pape, cette évolution se ferait à partir des Eglises locales, et ne serait pas décidée d’en haut. La sagesse voudrait que Rome maintienne la règle du célibat, quitte à étendre le champ des dérogations pour ordonner des hommes mariés, en reconnaissant des vocations très ciblées, discernées avec grand soin. Rien ne serait plus grave que de transformer, à tour de bras, d’excellents laïcs en médiocres curés. L’enjeu de fond de la pénurie de prêtres est la foi, c’est-à-dire la confiance que Dieu donne un vrai bonheur à ceux qui s’engagent dans la prêtrise, et donc le célibat.

Célibat des prêtres. La discipline de l’Eglise doit-elle changer ? Jean Mercier, éditions DDB Desclée de Brouwer, 350 pages, 19,90 €

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