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Rabbin Meyer : « Le judaïsme doit faire le ménage dans ses propres rangs »

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Solène Tadié - publié le 18/05/14

Alors que des actes anti-chrétiens se multiplient en Terre Sainte à l'approche du voyage du Pape, Aleteia a sollicité l’avis du rabbin David Meyer, professeur à l'Université grégorienne pontificale de Rome.

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18/05/2014

Depuis plus d’un mois, les méfaits du mouvement extrémiste israélien « Price tag » littéralement « le prix à payer » –  se sont multipliés : ces derniers temps, des tags sur le nouveau monastère bénédictin de Tabgha après celui de Deir Rafât,  puis une lettre de menaces à l’évêque auxiliaire et vicaire patriarcal pour Israël, Mgr Giacinto-Boulos Marcuzzo, sommant les chrétiens (à l’exception des protestants et anglicans) de quitter le territoire « 
sans quoi l’évêque et l’ensemble de la communauté seraient tués » (cf.
Aleteia).



A l’approche de la venue du pape François en Terre sainte, du 24 au 26 mai prochains,  ces menaces répétées « 
empoisonnent l’atmosphère  de co-existence et de coopération » entre juifs et catholiques, pour reprendre l’ expression du patriarche latin de Jérusalem, Mgr Fouad Twal, à l’issue d’une rencontre des évêques de Terre Sainte (
Ordre du Saint-Sépulcre) .




« 
Y a-t-il un problème dans le judaïsme d’aujourd’hui ? 
» : c’est sous ce titre que le Patriarcat latin de Jérusalem a publié en janvier dernier l’analyse du
rabbin David Meyer, et du Père jésuite Jean-Pierre Sonnet de Belgique, tous deux professeurs à l’Université Pontificale Grégorienne de Rome – sur un sentiment antichrétien croissant dans certains milieux juifs radicaux.



20 ans après la reconnaissance diplomatique mutuelle entre Israël et l’Etat de la Cité du Vatican (1993,
l’un des enjeux de la venue du
Pape en Terre Sainte sera justement de mettre le doigt sur ce problème.  Le rabbin Meyer en est conscient. Dans un entretien à Aleteia, il revient sur l’affaire des fameux tags antichrétiens et l’état des relations entre Juifs et Chrétiens
:

Cinquante ans après le voyage de Paul VI en Terre Sainte, et 49 ans après  la Déclaration Nostra Aetate (1965) sur les relations de l’Église avec les religions non chrétiennes, qu’est-ce qui a véritablement changé ?

David Meyer : Le premier changement a d’abord été la reconnaissance officielle de l’
État d’Israël par le Vatican. C’est extrêmement important, cela change complètement la donne quant à la nature même des
relations entre judaïsme et christianisme. D’autre part, depuis 50 ans, un affermissement incontestable de tous les enseignements et des enjeux de 
Nostra Aetate s’est opéré, ce qui a de fait consolidé la fraternité entre les deux communautés. Mais tout cela s’est fait sans pour autant oublier le passé, c’est toute la force du document. Cinquante ans, c’est peu, mais cela donne quand même la possibilité de voir dans les faits les changements, la fin de l’enseignement du mépris et sa transformation réelle en enseignement de l’estime. Nous avons en plus un recul historique qui établit la qualité de cette relation. Tout cela a donc beaucoup changé. 

Parmi les différents enjeux, il y en a un qui est particulièrement délicat puisqu’il s’agit de la problématique dans certains milieux juifs en Israël, de relations très haineuses envers le christianisme. C’est un phénomène inédit, qui n’existait pas il y a 50 ans, qui n’existait pas il y a encore 5 ans. Le
judaïsme va devoir faire face à ce nouvel enjeu, auquel nous, la communauté juive, n’étions pas préparés.

Il y a deux semaines encore,  l’évêque
de Nazareth a été menacé de mort dans une lettre éloquente: «tous les chrétiens, sauf les protestants et les évangéliques doivent quitter Israël ». Comment expliquer ce sentiment anti-chrétien que vous venez d’évoquer, et plus particulièrement comment expliquez-vous qu’il soit tourné vers les catholiques plus que vers les protestants par exemple?

D. M. :
Il y a une raison, qui n’est en aucun cas une justification pour moi. Ces gens que je qualifierais de fous furieux, qui sont les auteurs de ce genre de lettres et de tags, se disent que les évangéliques aux États-Unis sont ceux qui soutiennent inconditionnellement l’État d’Israël. En revanche, le catholicisme a une voix plus critique vis-à-vis de la politique d’Israël, avec d’autres types d’enjeux, notamment leur attention envers les
chrétiens d’Orient, ce qui fait qu’il existe une sorte d’amalgame du côté juif entre judaïsme et État d’Israël, qui favorise une animosité envers ceux qui sont perçus comme les ennemis de la politique de l’État, une animosité qui devient religieuse. 

Le fond du problème est que le judaïsme doit pour la première fois de son histoire reconnaître qu’il a des extrémistes à l’intérieur de sa propre tradition. Notre tradition religieuse est capable de beaucoup de beauté, mais elle est aussi capable de générer de la violence et des abominations, du rejet et de la haine. Encore une fois, c’est une nouveauté et le judaïsme ne s’était pas préparé à une lecture violente de sa relation avec les autres. Or, aujourd’hui, nous découvrons que nous ne sommes pas du tout immunisés contre ce genre de dérives barbares et totalement arriérées au sein de la tradition juive. 

L’un des enjeux de la venue du
Pape en Terre Sainte sera justement de mettre le doigt sur cette difficulté, et de dire que, de même que la tradition chrétienne a dû faire face à son enseignement du mépris, aujourd’hui c’est le judaïsme qui porte en lui une part de ce travers, et il est temps pour lui de faire le ménage dans ses propres rangs. 

Le fait que le Pape ait décidé de donner accès aux archives du Vatican afin que l’Église puisse reconnaître une éventuelle part de responsabilité pour la période de la Seconde Guerre Mondiale n’est-il pas un facteur supplémentaire d’apaisement pour la communauté juive?

D. M. :

Il y a en effet énormément de facteurs d’apaisement. Tous les derniers Papes ont été très favorables au judaïsme, avec de vraies amitiés. onc le judaïsme a toutes les raisons de reconnaître qu’il existe une réelle
amitié judéo-chrétienne. Néanmoins, cette amitié ne peut passer outre certaines problématiques politiques qui devraient permettre au Vatican d’émettre des critiques envers la politique d’Israël lorsque c’est légitime, tout comme il le fait avec d’autres États, en toutes sortes de circonstances, et cela ne devrait pas avoir d’impact dans le rapport des juifs au christianisme.

Le problème est que toute une partie de la frange juive religieuse en Israël fait un amalgame entre l’État et la religion. On est dans une sorte d’idolâtrie de l’État d’Israël pour certains penseurs du judaïsme qui se trouvent plutôt dans la frange ultra-orthodoxe nationaliste, qui idolâtre l’État. Ainsi toute forme de critique à son encontre devient comme une attaque à la sainteté elle-même, ce qui donne lieu à ces réactions totalement insensées. 

Si la tradition juive dispose de toutes les garanties pour se sentir apaisée par la sincérité du christianisme vis-à-vis du judaïsme, nous avons tout de même à affronter cette nouvelle question. Il nous reste donc à comprendre pourquoi nous générons aujourd’hui de l’extrémisme alors que ce n’était pas le cas par le passé. 



Comment le peuple d’Israël perçoit-il la venue du pape François de façon générale, et qu’en attend-il ?


D. M. :
Pour l’heure, il est certain que beaucoup n’attendent pas la visite du pape François, en premier lieu à cause des problèmes logistiques que cela pose quant à la
visite au mur des lamentations. Les autorités religieuses qui gèrent le mur ne souhaitent pas que la venue du Pape vienne perturber le quotidien de la prière. Mais toute venue d’un chef d’État perturbe nécessairement le quotidien, et on sent dans ce contexte un refus qui va bien au-delà d’une peur du dérangement. En revanche, toute une partie de la population est très curieuse de cette venue. Ils sont notamment curieux de ce Pape, différent dans sa forme, dans sa façon d’être. En outre, c’est la première fois que l’on a un Pape qui a un ami rabbin :
le rabbin Skorka, qui accompagnera le Pape dans sa visite. Ce qui est très intéressant, c’est que le rabbin Skorka n’est ni orthodoxe ni israélien. Cela signifie beaucoup de choses, notamment qu’il est possible d’avoir accès au judaïsme par un biais différent de celui de l’orthodoxie et de celui d’Israël.

Il y a par conséquent une vraie curiosité de la part du monde juif et d’une partie du peuple israélien face à cette amitié avec le rabbin Skorka. Et le fait que ce soit lui qui l’accompagne en Terre Sainte (cf.
Aleteia )  montre que le Pape n’est pas simplement dans une attente passive de mise en relation avec le judaïsme par le biais de l’État d’Israël : il a éà une relation établie de longue date avec le judaïsme, ce qui est inédit. Le Pape attise l’intérêt par sa capacité à comprendre le judaïsme par ses propres moyens, ses propres amitiés et par sa propre histoire.  

Tags:
Pape Françoisrabbin
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