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Nelson Mandela : lumière et ombres

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Ben Curtis

La nuova Bussola Quotidiana - publié le 07/12/13

Madiba, l’icône intouchable de la lutte anti-apartheid, grande figure de la réconciliation, n’était cependant pas un ange descendu du ciel. Son héritage tant politique que familial est complexe.

Nelson Rolihlahla Mandela Madiba, né en Afrique du Sud le 18 Juillet 1918, est issu de la lignée royale des Thembu, une tribu Xhosa. Madiba est le nom de clan de sa famille. Rolihlahla, en langue xhosa, signifie « celui qui pose des problèmes». Grâce au rang élevé de sa famille, Mandela a été admis à l’Université de Fort Hare, une institution réservée à l’élite noire.

Son premier acte courageux et libre remonte à 1940 quand il a découvert que sa famille, selon une tradition encore en usage en Afrique, avait négocié son mariage. Mandela a refusé d’épouser la femme choisie, s’attirant la réprobation générale. Encore aujourd’hui, en Afrique il n’est pas facile de se soustraire à la volonté du chef de famille, discuter l’autorité des anciens, violer les institutions tribales. A cette époque, c’était impossible si on voulait continuer à faire partie du clan et de la tribu.

Un seul choix pour Mandela : rester et obéir, ou bien partir avant de subir un châtiment sévère, et de toute façon, le déplacement forcé. Il a décidé de fuir  à Johannesburg où, privé du soutien  familial, il a travaillé comme gardien de nuit. En 1943, il a réussi à s’inscrire à la Faculté de droit de l’Université de Witwatersrand à Johannesburg, unique étudiant noir. La même année, il rejoint le Congrès national africain, l’ANC, le parti né en 1912 pour défendre les droits de la population noire, et en 1944 contribue à fonder la Ligue de la jeunesse du parti.

En 1948, avec la victoire électorale du Parti national, qui allait gouverner jusqu’en 1994, le régime de l’apartheid a finalement pris forme. Mandela, qui exerçait alors la profession d’avocat, a été dès le début l’une des figures de proue de la lutte contre la ségrégation raciale. En 1952, il a été élu président de l’ANC au Transvaal. Entre 1952 et 1961 il sera souvent arrêté pour activités séditieuses et libéré. Puis en 1962, accusé de sabotage et de complot pour renverser le gouvernement, il sera condamné à la prison à vie.

Au cours de 27 années d’emprisonnement, il est devenu un mythe, le symbole de la lutte contre l’apartheid. Libéré en 1990,  grâce à la pression internationale, Mandela est élu président de l’ANC, qui gagnera en 1994 les premières élections démocratiques  du pays,  le suffrage étant étendu à toutes les races. En 1993, aux côtés du président sud-africain Frederik Willem de Klerk, il reçoit le prix Nobel de la paix.

Élu président de la République en 1994, il a formé un gouvernement d’union nationale, donné au pays une nouvelle constitution, créé la Commission Vérité et Réconciliation chargée d’enquêter sur les violations des droits humains commises sous le régime de l’apartheid, initié une réforme agraire et des plans de réduction de la pauvreté et de renforcement  des services de santé. En 1999, il a refusé de briguer un second mandat présidentiel et, à la tête de l’Etat, lui succède Thabo Mbeki, à qui Mandela avait déjà cédé la charge de président de l’ANC en 1997. 

Le mythe de nombreux dirigeants africains, salués comme des héros de la lutte pour l’indépendance, vénérés « pères fondateurs » de leurs pays, n’a pas duré longtemps : une fois qu’ils ont pris le pouvoir, ils se sont révélés ensuite cyniques, irresponsables et follement corrompus, prêts à déclencher des guerres civiles, voire des génocides pour conserver le contrôle de l’appareil d’Etat et un accès illimité à la richesse nationale, peu importe le sort de leurs compatriotes.

Il n’en a pas été ainsi pour Nelson Mandela, qui a conservé jusqu’à la fin le charisme et l’aura qui l’ont entouré pendant des décennies et une image  discrète, modérée et intègre même lorsque son parti, l’ANC, dégénérait, de scandale en scandale, et que des luttes intestines pour le pouvoir allaient jusqu’à donner au pays l’actuel président, Jacob Zuma, élu en 2009, en dépit des accusations de corruption, de fraude et de blanchiment d’argent, et d’une vie privée pour le moins discutable (1).  

Quand Mandela, éloigné  depuis  un certain temps de la scène politique, est apparu inopinément  aux côtés de Zuma lors d’une réunion de l’ANC pour soutenir le candidat à la présidentielle très loin des idéaux qu’il incarnait, beaucoup s’interrogeaient: Madiba, c’est pour cela que tu as combattu ? (2)

Il a vécu assez de temps pour voir la police du gouvernement dirigé par son parti tirer mortellement sur les mineurs en grève, non pas une fois mais trois fois en moins d’un an. En Août 2012, dans la mine de Lonmin à Marikana, 34 mineurs sont ainsi morts : il s’agit de l’emploi  le plus meurtrier de la force contre des civils par la police sud-africaine depuis 1960 et la fin de l’apartheid, comparable au massacre de Sharpeville, en plein régime de l’apartheid, lorsque les forces de l’ordre ont tiré et tué 69 personnes.

« Une vie meilleure pour tous », tel était en 1994 le slogan de l’ANC. Mais Mandela laisse  un pays où un tiers de la population et plus de la moitié des enfants vivent en dessous du seuil de pauvreté et où, depuis la fin de l’apartheid, le taux de chômage atteint plus de 25%, de même que s’est creusé le fossé entre riches et pauvres.(3) 

 Traduit de l’édition espagnole de Aleteia par Elisabeth de Lavigne.

Notes de Aleteia :
1)  Mandela a été marié trois fois, et ses nombreux enfants et petits-enfants se disputent son héritage.
2) Pendant la durée de son mandat a également été adoptée la loi controversée sur l’avortement 
3) Notons aussi que l’espérance de vie en Afrique du Sud a chuté de onze ans en moins de deux décennies : 61 ans en 1994, 50 ans en 2012.  

Tags:
AfriqueAvortementnelson mandela
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